Chronique PAROLES D’AVOCATS (5/10). Paris, déjà centre mondial de l’arbitrage international, doit aussi attirer les contentieux judiciaires internationaux.
A l’heure de l’attractivité française et de la reprise des investissements étrangers, cette ambition légitime ne surprendra pas quand sur le Brexit est susceptible de remettre en question le marché, estimé à 25 milliards de livres sterling, des litiges transnationaux qui opposent des parties étrangères devant la Cour commerciale de Londres à raison de 500 nouveaux dossiers par an.
Une nouvelle juridiction commerciale internationale
Pour Londres les motifs d’inquiétude ne manquent pas. La sortie de l’Union européenne prive les jugements anglais de la reconnaissance mutuelle et de l’exécution simplifiée, les exposant aux aléas d’une procédure d’exequatur longue et coûteuse.
Les opérateurs internationaux hésitent à Londres dans les clauses attributives de compétence. Si la pratique rédactionnelle des contrats est d’inspiration anglo-américaine, le droit applicable est très souvent de tradition civiliste. La langue anglaise n’est paradoxalement plus un avantage déterminant : l’anglais international de la communauté d’affaires globalisée a marginalisé le Queen’s English, marqueur social plus qu’atout concurrentiel.
Le battage promotionnel censé rassurer sur la pérennité du hub juridictionnel londonien ne trompera pas. La crise de confiance est là et d’une ampleur telle que nombre de juridictions étatiques ont, en Europe, au Moyen-Orient et en Asie, pris des initiatives en faveur de la création de juridictions internationales.
Paris n’est pas en reste. Un an après que le Haut Comité juridique de la place financière de Paris a préconisé des « chambres spécialisées pour le traitement du contentieux international des affaires », la juridiction commerciale internationale de Paris est devenue réalité.
Des protocoles en place entre le barreau, le tribunal de commerce et la cour d’appel de Paris entérinent ses modalités de fonctionnement et permettent d’aménager la phase orale des débats au plus près des meilleures pratiques internationales.
L’efficacité du dispositif est assurée au tribunal de commerce où depuis dix ans une chambre internationale est composée de juges consulaires rompus à la pratique des affaires internationales. La chambre internationale de la Cour d’appel (CICAP) est également composée en conséquence.
Une place d’arbitrage reconnue
Pour convaincre les opérateurs internationaux de soumettre leurs litiges à la juridiction commerciale internationale de Paris, les arguments ne manquent pas. Le système français de règlement des différends est fiable, fort d’une tradition de droit international et de droit processuel incontestable et respectée dans le monde entier.
La communauté juridique parisienne, moderne et énergique, est unique au monde dans sa diversité et constitue le vivier de talent nécessaire. C’est à la présence à Paris de la Chambre de commerce internationale (CCI) que l’on doit cette unique concentration d’experts en arbitrage et en contentieux international, anglophones et formés au droit civil comme au common law. Avec plus de 800 nouveaux dossiers par an, la CCI est synonyme d’arbitrage commercial international institutionnel dans le monde entier.
Si la concurrence entre places internationales d’arbitrage est vive, Paris est en tête grâce à la stabilité et la prévisibilité d’une réglementation et d’un environnement judiciaire. Ils assurent l’efficacité du recours à l’arbitrage et sont le meilleur argument pour qu’un arbitrage ait son siège à Paris. Le juge peut être conduit à se prononcer sur la régularité de la procédure une fois la sentence rendue, mais il ne rejuge pas l’affaire.
Il ne s’immisce pas non plus dans la procédure. La jurisprudence française affirme avec constance sa faveur envers l’arbitrage, tout en veillant – qui aime bien châtie bien – à sanctionner les rares dérives. L’arbitrage commercial international est ainsi chez lui à Paris.
Il est donc naturel et cohérent, tant leurs synergies sont évidentes, que l’arbitrage et le contentieux international unissent leurs forces à Paris, centre mondial du règlement des litiges transnationaux. La France is back !
Cette chronique vous est proposée dans le cadre d’une série d’été.
Par Elie Kleiman, avocat associé du cabinet Jones Day, président de Paris, Place d’Arbitrage, membre de Paris Place de Droit et expert au Club des Juristes.